• Oronte

    L'espoir, il est venu, nous soulage,

    Et nous berce un temps notre ennui :

    Mais, Philis, le triste avantage,

    Lorsque rien ne marche après lui !

     

    Philinte

    Je suis déjà charmé de ce petit morceau

    Aceste

    Quoi ? vous avez le front de trouver cela beau ?

     

    Oronte

    Vous eûtes de la complaisance :

    Mais vous en devrez moins avoir,

    Et ne vous pas mettre en dépense

    Pour ne me donner que l'espoir

     

    Philinte

    Ah ! Qu'en termes galants ces choses-là sont mises !

    Alceste, bas

    Morbleu, vil complaisant, vous louez des sottises ?

     

    oronte

    S'il faut qu'une atteinte éternelle

    pousse à bout l'ardeur de mon zèle,

    Le trèpas sera mon recours.

     

    Vos soins ne m'en peuveut distraire

    Belle Philis, on desespère,

    Alors qu'on espère toujours

     

    Philinte

    La chute en est jolie, amoureuse, admirable

    Alceste, bas,

    La peste de ta chute ! Empoisonneuse au diable

    En eusses-tu fait une à te casser le nez ?

                                            Molière : Le Sonnet d'Oronte (Le Misanthrope, I, 2)


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  • Le silence régnait sur la terre et sur l'onde.

    L'air devenait serein et l'Olympe vermeil,

    Et l'amoureux Zéphyre affranchi du sommeil

    Ressuscitait les fleurs d'une haleine féconde

     

    L'aurore déployait l'or de sa tresse blonde

    Et semait de rubis le chemin de Soleil,

    Enfin ce dieu venait au plus grand appareil

    Qu'il soit jamais venu pour éclairer le monde.

     

    Quand le jeune Philis au visage riant,

    Sortant de son palais plus clair que l'Orient

    Fit voir une lumière et plus vive et plus belle.

     

    Sacré flambeau du jour, n'en soyez point jaloux!

    Vous parûtes alors aussi peu devant elle

    Que les feux de la nuit avaient fait devant vous.

                                          Claude de Malleville (1597-1647)


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  • Vous faites voir des os quand vous riez, Hèlène,

    Dont les uns sont entiers et ne sont guère blancs,

    Les autres, des fragments noirs comme de l'èbéne

    Et tous, entiers ou non, cariés et tremblants

     

    Comme dans la gencive ils ne tiennent qu'à peine

    Et que vous éclatez à vous rompre les flancs,

    Non seuleument la toux mais votre seule haleine

    Peut les mettre à vos pieds, déchaussés et sanglants

     

    Ne vous mêlez donc plus du métier de rieuse,

    Fréquentez les convois et devenez pleureuse

    D'un si fidèle avis faites votre profit

     

    Mais vous riezz encore et vous branlez la tête !

    Riez tout votre soül, nez vilaine bête

    Pourvu que vous crevez de rire, il me suffit.

                                               Paul Scarron (1610-1660)


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  • Beaux yeux dont l'atteinte profonde

    Trouble des coeurs incessamment

    Le doux repos, qui ne se fonde

    Que sur un si doux mouvement.

     

    De tout ce qu'on dit en aimant,

    Beaux yeux, source vive et féconde,

    Beau refrain, doux commencement

    Des plus belles chansons du monde.

     

    Beaux yeux qui sur les coeurs avez

    Tant de puissance et qui savez

    Si bien jouer de la prunelle.

     

    Beaux yeux, divin charme des sens,

    Votre amour est en sentinelle

    Pour attraper tous les passants

                                                      Isaac Benserade (1612-1691)


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  • Je fus, Plante superbe, en Vaisseau transformée

    Si je crus sur un Mont, je cours dessus les eaux

    Et porte de Soldats une nombreuses armée.

    Après avoir logé des Escadrons d'Oiseaux

     

    En rames, mes rameaux se trouvent convertis,

    Et mes feuillages verts, en orgueilleuses voiles

    J'ornai jadis Cybèle, et j'honore Thétis

    Portant toujours le front jusqu'auprès des Etoiles

     

    Mais l'aveugle Fortune a de bizarres lois:

    Je suis comme un jouet en ses volages doigts

    Et les quatre Eléments me font toujours la guerre

     

    Souvent l'Air orageux traverse mon dessein,

    L'Onde s'enfle à tous coups pour me crever le sein,

    Je dois craindre le Feu, mais beaucoup plus la Terre.

                                                                    Tristan l'Hermite (1601-1655)


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